MNAC | Une peine de l'art

Dans ce superbe bâtiment, à l'entrée majestueuse il y a (actuellement) quatre expositions...

1. Les peintres modernes de la collection de Maria Eugénia et Francisco Garcia.

Collectionneurs témoignant du « goût de la bourgeoisie portugaise en présentant des œuvres de leurs amis » ?

Annonciateur, le lettrage adhésif à coquilles est assez insipide.
Le « n » de « disconnected » et le « y » de « contemporary » se font la malle, le « s » de « friends » rajouté « à la mano par manu ».
Un total de sept erreurs, pour nous expliquer à peu près rien.

Dans les deux premières salles, quelques toiles distendues, un Vasarely (quand même). Pour autant, quelqu’un a-t-il regardé les œuvres de la cave de Maria et Francisco ?
Personne n’a pris le soin de retirer les « mouchetages » des cadres, des vitres, de restaurer les papiers devenus buvards…
Surprenant contraste, avec l’ensemble des surveillants vissés sur chaises, qui dissuade de capturer le naufrage, mais nous y revenons plus bas. 

Pourtant, quelques œuvres sont somptueuses, une petite huile sur toile avec une lampe au bord d’une fenêtre au clair-obscur. C’est beau, mais pas contemporain.

Le jardin des sculptures.

Ici, pas de cartel, pas d’info. 

Les œuvres ne sont, sauf erreur de monstration de la part du musée, pas contemporaines. Puis un jardin avec neuf dalles de carrelage rectangulaire blanc sur acier rouillé.
La fracture du carreau laisse-t-elle entrevoir le socle à dessein ?
Est-ce une œuvre du déconstructivisme, un morceau du musée en réfection ?

Mystère, mystère…

 

Scotchant.

Une exposition temporaire de David Fossard. Jolie palette, chouette un artiste contemporain ! Mais… les œuvres sont scotchées, et pas au double-face. Comment le savons-nous ?

museu-nacional-de-arte-contemporeana-chiado-mnac-lisbon-portugalPas de surveillant pour zieuter la bonne et due forme de l’accrochage, veiller à la protection des œuvres, juste à l’entrée du musée ?

Preuve à l’appui, et après un grommellement, le Monsieur de la sécurité part en éclaireur. Telle poule devant couteau, un étonnement : « comment l’œuvre a-t-elle bien pu tomber ? ».
Nous avons comme une idée…

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David Fossard, nous sommes en peine de voir votre travail traité, de pareille manière, par une institution muséale.

2. Eileen Grey. 

Bon... Eileen Grey n’est pas artiste, mais créatrice entre autres du miroir satellite
À défaut d’art-co peut-être du mobilier d'art ? Et non.

Une longue frise chronologique, aussi disponible sur le site, imagée et en couleurs il faut le reconnaître, relate le parcours d’Eileen Grey.
Puis, une reconstitution, à la IKEA, de sa chambre, avec pour témoignage un bureau, un lit avec un rideau de douche, un boa en plumes en guise de couvre-lit, et quelques interrupteurs cassés des années 50… Comment dire ? La honte.

Puis, on aperçoit du mobilier, uniquement sur la partie droite, en face de la frise cartonnée qui se poursuit inlassablement… Pas un, ni deux mais bien quatre objets de design pour témoigner de sa grande carrière. Un véritable hommage.

3. Les paysages.

Savant mélange de peintures du classicisme, spécialité de l'art contemporain Lisboète, du XIXème siècle de fait.


La curation de Maria de Aires Silveira est très belle, et ce n’est pas le reproche fait à cette exposition ; c’est sa place.
Que font des peintres réalistes et naturalistes dans un musée d’art contemporain ?
N’y aurait-il pas une erreur d'emplacement pour une pareille exhumation ?

4. Les performances.

Sans transition, nous sommes projetés dans l’hyper-contemporain.

Après le couloir kafkaïen, une salle avec un « pendule » monumental (fin de l’expo Eileen Grey ?), une plaque de marbre blanc façonné au sol, et deux cadres : un Polaroïd blanc et un noir. 
La cohérence de ces œuvres, n’est pas très claire, ni très expliquée. Avouons qu’après ce périple, la volonté de rechercher les infos cachées s’est dissipée.

Puis, une vidéo de performance montrant une salle qui se remplit de pages tapées sur des machines à écrire, par un ensemble de personnes.
Derrière nous, une machine à écrire reliée à une immense bobine de papier !
Les écritures s’arrêtent à mi-chemin, et l'œuvre n'aurait pas de lien avec la performance. 

Dernière salle, une vidéo en français des années 70, sur l'homme de Néandertal. Nous nous attentons à être capturés, à découvrir notre réaction sur écran au terme de la boucle : "vous êtes l’œuvre". Et non, rien de plus à voir ici, d’ailleurs nous n’avons rien compris.

Que des morts.

Ce musée est un mausolée. Il témoigne de la pauvreté de collection permanente, du manque de recherches, de partenaires, de travail ?

Pourtant, le Portugal n'est-il pas riche d’artistes contemporains ?
Quelques suggestions pour vos prochaines acquisitions : Cristina TroufaCristiano Felismina, Clo BourgardManuel Caeiro pour ne citer qu'eux.

 

Pierre Bohême